l'ardoise
des Ardennes
Projet de diplôme DNMADE
Pour la dernière année de DNMADE il nous a été demandé de travailler sur un projet de notre choix, en commençant par la rédaction d’un court mémoire puis l’élaboration d’un projet en lien avec celui-ci.
Soucieuse des enjeux environnementaux actuels qui nous poussent à agir de façon plus locale et par curiosité pour le matériau, j’ai choisi de travailler avec l’ardoise des Ardennes.
J’ai grandi à Fumay, ville marquée par 8 siècles d’exploitation ardoisière. L’ardoise est un élément essentiel du patrimoine local et imprègne la ville de son empreinte.
En l’associant à l’argile, j’ai cherché à donner une nouvelle vie à l’ardoise en la mettant en valeur sous un angle différent. Au fil de mes explorations, j’ai découvert les nombreuses possibilités qu’offrait cette ressource naturelle, que j’ai expérimentée sous forme de morceaux et de poudre. Cette aventure m’a captivé pendant un an et m’a encouragé à poursuivre mes recherches en multipliant les expérimentations qui ne font que commencer.
Si vous souhaitez en connaitre davantage sur le mémoire, le projet et l’ardoise, n’hésitez pas à cliquer ci-dessous.
La continuité du projet
Cette année je consacre encore beaucoup de temps à l’ardoise car je l’intègre dans pratiquement tous mes objets, que ce soit dans les émaux, la terre, sous forme de poudre ou en morceaux…
Je développe toute une gamme que je réserve pour une exposition temporaire dans le musée de l’ardoise de Fumay. Ce musée est dédié à l’histoire de l’extraction des ardoises fumaciennes. J’ai la chance de pouvoir y présenter mon travail afin d’offrir un nouvelle perspective et une autre finalité à l’ardoise.
Si vous souhaitez en connaitre davantage sur cette exposition et la fabrication des pièces, n’hésitez pas à cliquer ci-dessous.
Projet de diplôme DNMADE
Le mémoire
Comment la conception d’objets en céramique peut-elle offrir un nouveau regard sur ce matériau local et patrimonial ?
Ce mémoire vise à questionner le rôle de l’ardoise et à s’interroger sur ses potentalités qui vont bien au delà de l’usage traditionnel de couverture des toits. A Fumay, dans les Ardennes, nous trouvons de l’ardoise partout, c’est un matériau fascinant qui regorge de qualités et de potentialités.
Je me suis donc demandée si le design d’objets en céramique pouvait offrir un nouveau regard sur ce matériau local et patrimonial ?
Afin d’y parvenir nous avons vu que pour créer avec et pour son territoire, prendre connaissance du patrimoine culturel était indispensable, c’est pourquoi je suis allée sur le terrain, à la recherche d’ardoises. Je suis aussi descendue dans des ardoisières pour m’inprégner de l’environnement.
J’ai visité la Maison de l’Ardoise de Rimogne, musée consacré à l’extraction d’ardoise de la ville et je me suis rendue aux archives de la ville de Fumay. Mon but était de mieux connaître l’histoire de l’exploitation de ce matériau interrompue en 1971. Ensuite pour en apprendre davantage sur le matériau en lui même, j’ai pris contact avec un géologue. J’ai donc pu observer que le patrimoine historique et géologique d’un territoire regorge de secrets et de savoirs qui sont parfois oubliés.
En faisant des recherches sur le design d’objets créés à base de matériaux locaux, j’ai vu qu’aujourd’hui des designers et créateurs tentent de créer plus localement par souci de l’environnement mais aussi pour donner une voix à des matériaux tels que l’ardoise, qui sont parfois perçus comme des déchets. Par exemple, à l’époque de l’extraction d’ardoise, les roches ne pouvant pas être exploitées pour la fabrication de plaques ont engendré des monts de débris d’ardoise, aujourd’hui ces verdeaux font partis du paysage et sont conservés au patrimoine. Autre exemple de déchets, les coquilles d’huître, qui encombrent les bords de mer, sont réexploités par Alegina, qui a créé une pâte nommée Kaomer, s’approchant de la porcelaine. Ainsi comme Kaomer, mon but est de réutiliser ces morceaux d’ardoise avec l’objectif de donner un nouvelle chance à ce matériau en le combinant avec l’argile afin de créer un objet fonctionnel. Mais quel objet et pour qui ?
A Fumay, un musée sur l’extraction de l’ardoise est en cours de rénovation. Je me suis donc intéressée aux musées et à leur fonctionnement. J’ai pu constater par diverses lectures sur la médiation dans les musées que très souvent que le temps d’observation d’une oeuvre par les visiteurs étaient très court, surtout quand ils n’étaient pas guidés. Je me suis donc questionnée sur la manière de rendre une visite plus attrayante ? Avec un objet de médiation, le visiteur découvre les oeuvres avec un regard différent et passe ainsi plus de temps à observer et comprendre une oeuvre.
Ainsi mon intention est d’inviter les visiteurs à modifier leur perception de l’ardoise, de faire évoluer leur vision de cette roche comme celle d’un matériau du passé et de les amener à prendre conscience des multiples potentialités qu’elle possède encore aujourd’hui. En essayant de faire un objet de médiation, pouvant accompagner le visiteur tout au long de sa visite dans le musée de Fumay et ainsi combiner l’histoire de l’utilisation traditionnelle de l’ardoise avec une utilisation plus contemporaine de celle-ci.
En tant que designer céramique, on ne crée pas à partir de rien. Ainsi en décidant de créer en fonction d’un territoire, il faut connaître les ressources qui y sont présentes mais aussi l’histoire du lieu étudié. En m’intéressant à ma ville natale, il me semblait évident de travailler avec l’ardoise mais aussi d’ encourager à lui porter un nouveau regard.
En effet, ce matériau est principalement connu pour son utilisation pour les toitures et est resté figé dans ce domaine. Mon but était de créer pour la population locale afin de faire perdurer l’histoire de ce matériau. En lui donnant un avenir différent de ce que l’on connaissait et ainsi ouvrir une autre page de son histoire ?
Le projet
Que peut apporter l’ardoise dans la conception d’objets en céramique ?
Mon objectif est d’utiliser l’ardoise comme médium complémentaire et de voir ce qu’il est possible de faire avec elle, tout en ayant une approche limitant mon impact écologique et en favorisant la connaissance de l’histoire et la provenance des matériaux.
Je souhaitais également valoriser l’ardoise et lui offrir un nouveau regard en l’invitant dans un domaine d’utilisation totalement différent de celui dans lequel on la connait aujourd’hui, c’est à dire les tuiles pour les toitures.
La continuité du projet
Voici quelques explications concernant la fabrication des pièces que vous pouvez observer au musée de l’ardoise de Fumay et sur cette page.
Chaque objet contient de l’ardoise de Fumay principalement en morceaux et/ou de Rimogne en poudre.
J’ai eu l’opportunité de récupérer de l’ardoise chez l’entreprise ADR à Rimogne conditionnée en poudre très fine qui me permet de l’utiliser pour les émaux et dans la terre. Pour les morceaux, je suis allée me balader sur les verdeaux fumaciens et ai récolté les rebus de l’extraction ardoisière.
A Fumay, on peut trouver diverses couleurs d’ardoises, j’utilise principalement de la violette et de la bleue que je trouve sur les verdeaux de Folemprise.
Pendant mon année de diplôme, j’ai pris contact avec la mairie de Fumay pour présenter mon projet de revalorisation de l’ardoise. Grâce à l’intérêt porté par le maire de Fumay et son équipe, j’ai été autorisé à exposer mon travail dans le musée de l’Ardoise Michel Paradon. Ce dernier a été entièrement rénové et rouvert au grand public fin juin 2023.
J’ai choisi de réaliser des vases aux formes simple afin de laisser libre cours au décor de sublimer la pièce. Chaque vase à un décor différent et contient de l’ardoise sous diverses formes.
On retrouve ainsi l’ardoise dans l’émail, l’engobe (terre mélangée avec de l’ardoise en poudre), morceaux de différentes tailles.
Comment c'est fait ?
Dans la vidéo suivante, je vous présente les étapes de façonnage d’une des pièces de l’exposition.
Tout d’abord je commence par le tournage de l’objet avec ici du grès blanc lisse. Après quelques jours de séchage vient le moment du tournassage, étape où j’enlève de la matière afin d’affiner la pièce et de lui créer un pied.
Puis c’est au tour du décor, sur cette série de vase je suis venue coller des colombins très fins sur le corps de l’objet. Les colombins sont tous fait un par un à la main, si vous êtes observateur vous verrez que la terre a plusieurs couleurs. En effet, la terre utilisée est du grès blanc enrichi en poudre d’ardoise en proportions variées. Cette étape est assez longue, le temps fluctue en fonction du nombre de colombins posés.
Quand la pièce est totalement sèche, je la cuis une première fois à 980°C, puis je l’émaille. Pour les pièces de l’exposition j’ai principalement utilisé une couverte transparente et brillante, afin de laisser une place plus importante au décor d’ardoise et jouer avec la brillance et matité. Une fois émaillé les pièces sont cuites une seconde fois à 1280°C en réduction dans un four à gaz.
Dans la prochaine vidéo vous pourrez observer comment j’incruste l’ardoise dans la pièce et la différence entre l’objet cru et cuit à 1280°C.